Les hommes ont vraiment peur du féminisme

Je suis une femme hétéro vite fait curieuse, 29 ans et j'ai eu une relation entre 23 et 27. Avant, j'aimais bien sortir et séduire, après j'ai continué à reprendre ma vie de célibataire parisienne et à essayer de faire des rencontres.

Ce n'est pas très impopulaire de dire qu'il y a des femmes qui aiment encore se sentir désirées, voire sentir un minimum d'attention et de désir. J'en fais partie. Je n'ai aucun fantasme de brutalité, de viol ou de domination, et je suis bien loin de signer avec Catherine Deneuve une tribune pour " le droit à être importunée ". Les violences qu'on subit encore me font toujours froid dans le dos et je me bats. Je suis heureuse qu'on ait eu quelques victoires bien qu'il reste du travail, mais je vous jure que j'ai rencontré des hommes qui se chient dessus.

Mes rencontres d'un soir d'après-relation sont devenues plus douces et bienveillantes, et c'est bien, mais au prix de ce que je perçois comme plus de pruderie et d'hésitation. En soirée, je peux me montrer disponible si je suis d'humeur, et ça m'est arrivé dans ces deux dernières années qu'un mec me demande trois fois si j’étais sûre, alors qu'on s'enlaçait deja pas mal. Au bout d'un moment, c’est moi qui vais finir par douter.

Vous avez vu la série Fleur Bleue ? Dans un épisode, elle couche avec un mec qui feint d'être déconstruit (pour mieux la pécho en vrai) et qui lui demande son consentement à chaque geste. J'ai littéralement connu ça, des "Je peux t’embrasser ?" "Je peux mettre ma main ici ?" ; Fleur parle de " la charge mentale du consentement ", c'est très juste. J'ai vu cette série après cette rencontre et j'ai halluciné en y repensant. En fait, j'ai juste senti que c'était à moi de gérer une plus grande partie de la séduction et du désir, et c'est pas du tout un geste d'allié, ça a l'effet contraire.

C'est de ça qu'ils ne se rendent pas comptent, ils ont une pression comme ça pour bien faire, alors que c'est juste chiant. Bien faire selon quoi ? Quels critères ? Les tablettes de la loi du féminisme gravées par le buisson ardent Meetoo ? Je ne les connais pas plus qu'eux, je vais pas leur donner les encouragements ou les félicitations du jury, j'en sais rien moi.

En tant que femme, je me sens légèrement plus en sécurité, car je sais que l'insécurité qu'on ressent peut être nuancée par cette chappe de pruderie qui est aussi de la peur. Ce n’est pas le respect qui me gêne, bien heureusement, c’est l’absence totale d’élan, de spontanéité. J'étais jeune, avant, je n'ai peut-être pas des souvenirs exacts de mes premières années d'etude où Metoo venait d'apparaître, était plus timide et pris moins au sérieux par les hommes. Aujourd'hui, apres dix ans, je les sens de façon très intuitive quand je les vois, ces mecs qui tremblent à l'idée de faire un faux pas dans cette marche sur les oeufs qu'est le simple dialogue de séduction avec une femme.

Je repère une peur de mal faire que je n'avais jamais constatée la période d'avant, peur qui fige certains hommes et lisse leur discours, sur un registre qui va de " j'ai peur de te casser et je fais sincèrement attention à toi en tant qu'humaine " à " est-ce que j'ai passé l'entretien d'embauche féministe maintenant " ? J'ai vraiment entendu un " Ça va, j'ai une bonne note ? ", une fois. Enfin, j'ai aucune envie de recevoir des dickpics, mais... Je me fais un peu chier, et c'est un constat partagées par quelques amies. Et si la peur réussit à changer de camp un jour, ça m'embêterait que ce soit pour que les boîtes de nuit soient remplies de Paul Mirabel (attention j'aime bien Paul Mirabel hein Paul si tu m'entends je te trouve même un peu sexy comme quoi).

Je me retrouve à dire " not all men " dans un sens inversé (pas très fière), tous les hommes n'ont pas peur de me casser et tous ne stressent pas à chaque verre comme s'ils passaient le bac. Je subis encore des forceurs et je me défends. Ce n'est pas parce que je demande un peu d'affirmation que je demande toute la merde qui va avec.

Mais c'est juste palpable, il y a plus de mecs qui flippent qu'il y a dix ans, je le vois dans mon rapport intime à eux et dans la société. J'arrive facilement à comprendre des mecs un peu gentils, même doux, qui il y a dix ans se seraient peut-être sentis plus confiants dans leur relation avec les femmes. Vous inquiétez pas, les autres agresseurs, incels et mascus peuvent continuer à se faire cuire le cul.